Les deux Amis

"Deux vrais Amis vivaient au Monomotapa."

 

avec Cuche et Barbezat

La fable manuscrite et colorée
par Fiami

Les deux Amis
par Jean de La Fontaine


Deux vrais amis vivoient au Monomotapa :
L’un ne possedait rien qui n’appartint à l’autre :
Les amis de ce pays-là
Valent bien dit-on ceux du notre.

Une nuit que chacun s’occupait au ſommeil,
Et mettait à profit l’abſence du Soleil,
Un de nos deux amis ſort du lit en alarme :
Il court chez son intime, éveille les valets :
Morphée avait touché le seuil de ce palais.
L’ami couché s’étonne, il prend sa bourse, il s’arme ;
Vient trouver l’autre et dit ; Il vous arrive peu
De courir quand on dort ; vous me paraissiez homme
A mieux user du temps destiné pour le somme :
N’auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu ?
En voici : s’il vous est venu quelque querelle,

J’ai mon épée, allons : Vous ennuyez-vous point
De coucher toujours seul ? une esclave assez belle
Etait à mes côtés, voulez-vous qu’on l’appelle ?
Non, dit l’ami, ce n’est ni l’un ni l’autre point :
Je vous rend grâce de ce zèle.
Vous m’êtes en dormant un peu triste apparu ;
J’ai craint qu’il ne fut vrai, je ſuis vite accouru.
Ce maudit songe en est la cause.
Qui d’eux aimait le mieux, que t’en semble, Lecteur ?
Cette difficulté vaut bien qu’on la propose.
Qu’un ami véritable est une douce chose.
Il cherche vos besoins au fond de vootre cœur ;

Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même.
Un songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s’agit de ce qu’il aime.

 

 

Les deux Amis
par Pilpay

...Tu avais tâché de consoler mon ami comme s'il était le tien. Ce sont là les marques des vrais amis.
On dit qu'un certain personnage alla un jour frapper à la porte de son ami en une heure fort indue. Le maître du logis, ayant appris qui c’était, fut extrêmement surpris le voyant si tard heurter à sa porte. Après avoir bien songé, il se lève, s'habille, prend son épée, une bourse d'argent, puis commande à la servante d'allumer la chandelle et de la suivre. En cette équipage, il alla trouver son ami. - Cher ami, lui dit-il en l'abordant, votre venue à cette heure m'a fait conjecturer trois choses: que vous auriez besoin d'une somme d'argent, que vous auriez quelque ennemi à combattre ou que vous désireriez quelque compagnie pour vous désennuyez. J'ai mis ordre à tout cela: si vous avez besoin d'argent, voilà ma bourse, s'il faut repousser quelque ennemi, voilà mon épée et mon bras ; et si vous vous ennuyez, voilà ma servante qui est assez agréable et qui vous pourra contenter.
- Je ne désire rien de moins que tout cela, réponds l'autre. Je venais seulement m'affairer de l'état de votre santé. Car je craignais que le mauvais songe que je viens de faire, ne fut véritable.
Voilà les effets de vrais affections...